Méduse en son miroir
Tremblement de plaisir ou de dégoût, altération intime de moi-même… ce que ma lecture a produit, je ne sais encore l’exprimer qu’en termes flous d’émoi. Et quand, pressé d’associer à ce livre les personnes qui me sont chères, je réussis à m’approcher d’un téléphone, je n’ai toujours rien d’autre à partager que cette émotion forte, irraisonnée, mais dont je sais qu’elle provient d’une offrande reçue, d’une alchimie qui a déjà commencé à transformer ma vie. Lors même que je conseille cette lecture à mon ami, j’use involontairement de la confiance qu’il m’accorde, de la proximité où s’enracine notre amitié pour me contenter, sans analyse ni commentaire, de lui annoncer la bonne nouvelle. À mon inflexion de voix, à certains mots, toujours plus ou moins les mêmes qui s’imposent à moi dans la louange, il reconnaît l’inexprimable. Deux ou trois détails me reviennent en mémoire, une image, une phrase que je ne parviens pas à citer correctement: je cours chercher le livre, par crainte d’en avoir un tant soit peu trahi la lettre. Je lis. Cette fois, c’est la première phrase d’un roman : Ses amis l’appelaient Harry. Mais Harry n’enculait pas n’importe qui. Uniquement des femmes… des femmes mariées.